Les poulpes partie 9 – fin

Camille

Karl regarda le dernier sacrifice franchir la faille et soupira. Le sourire qu’il affichait l’instant d’avant se transforma en un rictus plein d’amertume, il se voûta légèrement et attendit. Quelques secondes après la traversée du pauvre bougre, la faille se referma en un bruit sec « POP ». Karl retourna dans la salle. Camille était assise dans un des fauteuils, madame Megsy debout à côté d’elle.

« Il est passé ? » demanda Camille d’une voix sourde.

« Oui. Lilas a fait un bon boulot, encore une fois. Elle l’a inquiété juste ce qu’il faut pour qu’il y aille sans se poser trop de questions. »

Camille porta une main à sa bouche comme pour étouffer un cri. Karl s’agenouilla à côté d’elle. « Je suis désolé. »

« Pas autant que moi, Karl, pas autant que moi. »

« Vous avez fait ce qui était juste Camille. C’était lui ou… » dit madame Megsy.

« Je sais, je sais, mais pourquoi il a fallu que ce soit lui, ils étaient dix à avoir été marqués. Pourquoi il a fallu que ce soit le seul j’ai pu identifier ? »

Karl soupira, il ne savait que répondre à la détresse de sa collègue. Ils avaient été chargés de recueillir des sacrifices de leur région. Malgré des années de préparation, leur tâche n’avait pas été facile à accomplir. Le fait qu’un ami ou un membre de la famille soit sacrifié avait été abordé dans leur formation, mais c’était autre chose que de le vivre. Il tenta de rappeler à sa collègue l’enjeu.

« Tu connais le marché Camille, c’est 1 % de l’humanité ou la totalité. Ils viennent, ils marquent les candidats et ceux qui développent des capacités de communication mentale sont désignés sacrifices. »

« Et ils doivent franchir la faille volontairement. Je sais tout ça Karl. »

« On a eu de la chance sur ce coup, tu t’en rends compte n’est-ce pas ? Après l’attentat contre le dernier marqueur, il était quasi impossible de savoir qui avait été identifié. » Karl fit une pause « Il en manquait un, juste un, pour terminer la première collecte. Nous n’avions plus beaucoup de temps. Tu n’avais pas le choix. Tu as fait ton devoir. »

« J’ai fait mon devoir », répéta Camille d’un ton amer. Puis elle ajouta « Le pire c’est de ne pas savoir ce qui leur arrive une fois qu’ils ont traversé ».

« Vous devriez peut-être en parler au docteur Océnose. De toute façon, le débrief avec elle est obligatoire à chaque passage » dit alors, madame Megsy.

« Oui, je vais lui en parler », acquiesça Camille.

Karl reprit : « Je me chargerai de contacter les nettoyeurs. »

Camille le remercia.

Madame Megsy posa une main sur l’épaule de Camille : « La collecte est terminée pour cette année Camille. Je peux compter sur vous pour la prochaine ? »

Camille releva la tête : « Oui, oui. Je serai là. »

« Vous avez quelques mois pour vous remettre, je sais, ce n’est probablement pas assez, mais… » Le regard de madame Megsy se voila un moment puis elle continua. « Karl, restez avec Camille, je m’occupe des nettoyeurs. » Et elle sortit sans attendre de réponse.

Camille et Karl la suivirent du regard en silence. Puis Karl ouvrit la bouche pour parler et se ravisa. Camille s’en rendit compte. « Si tu veux me dire autre chose, vas-y… »

« Mais, hum… Comment… comment tu as su pour… pour le dernier ? »

Camille secoua la tête puis répondit, désabusée : « il m’en a parlé autour d’une tarte aux pommes… »

« Tu veux dire que la survie de l’humanité s’est jouée sur une confidence autour d’une tarte aux pommes. »

Camille sourit avec tristesse : « Oui, autour d’une tarte aux pommes. »

 

FIN

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